DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

mercredi 23 juin 2010

P. 301. Le dernier tour de piste de Tati

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4 novembre 1982.
Tati s'en était allé...
Le voici revenu pour un dernier tour de piste...
(Ph. Trafic / DR).


L'Illusionniste
de
Sylvain Chomet


Synopsis :

- "À la fin des années 50, une révolution agite l’univers du music-hall : le succès phénoménal du rock, dont les jeunes vedettes attirent les foules, tandis que les numéros traditionnels - acrobates, jongleurs, ventriloques - sont jugés démodés. Notre héros, l’illusionniste, ne peut que constater qu’il appartient désormais à une catégorie d’artistes en voie de disparition. Les propositions de contrats se faisant de plus en plus rares, il est contraint de quitter les grandes salles parisiennes et part avec ses colombes et son lapin tenter sa chance à Londres. Mais la situation est la même au Royaume-Uni : il se résigne alors à se produire dans des petits théâtres, des garden-parties, des cafés, puis dans le pub d’un village de la côte ouest de l’Écosse, où il rencontre Alice, une jeune fille qui va changer sa vie à jamais.
L’illusionniste présente ses tours devant les villageois enthousiastes, ravis de célébrer ainsi l’arrivée de l’électricité sur leur île isolée. Alice, stupéfaite, croit à la réalité des petits miracles du prestidigitateur. Elle le suit jusqu’à Edimbourg et s’occupe de son appartement pendant qu’il travaille dans un petit théâtre. Enchanté par son enthousiasme, l’illusionniste la remercie en faisant apparaître comme par magie des cadeaux de plus en plus somptueux. Prêt à tout pour ne pas la décevoir, il ne peut se résoudre à lui avouer que les problèmes de la vie ne se résolvent pas d’un coup de baguette magique… et court à la ruine pour continuer à lui acheter ce qui lui fait envie. Mais Alice devient adulte et rencontre l’amour…
L’illusionniste comprend qu’il est temps que le numéro créé pour elle s’achève : il laisse son ultime spectatrice vivre sa vraie vie de femme, loin de ses tours de passe-passe, et part en la sachant heureuse."
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Sylvain Chomet :

- "J'ai surtout essayé de garder intacte cette émotion que j'avais eue en lisant le script pour la première fois. Il fallait que ce soit un peu plus réaliste et crédible que Les Triplettes.... Les animateurs ont fait un travail fantastique. Il n'y a aucun plan obtenu par rotoscopie, tout provient de l'imaginaire. Je voulais qu'en voyant le film, on oublie très vite le dessin. C'était important pour la fin du récit et l'émotion que génèrent les personnages.
Dans les Triplettes..., il y a environ 1 400 plans, ce qui est assez habituel pour un film d'animation. Dans celui-ci, on en a 400. On parle ici vraiment de théâtre filmé."
(L’Express, 8 juin 2010).

Olivier de Bruyn :

- "En 2003, il tourneboulait le cinéma avec un film d'animation merveilleux, « Les Triplettes de Belleville ». Triomphe international. Sept ans plus tard, alors que la 3D impose le port de lunettes partout dans le monde, Sylvain Chomet revient sur les écrans avec un film artisanal, « L'Illusionniste », d'après un scénario inédit de Jacques Tati. Singulier, forcément.
A l'origine, « L'Illusionniste » devait être un film de et avec Tati. L'inventeur de « Playtime » a écrit le scénario il y a un demi-siècle sous le nom de code « Film Tati n°4 ». Le projet n'a jamais abouti. Le réalisateur considérait la matière autobiographique du script trop grave et ce dernier a fini dans les archives.
Aidé par les proches du cinéaste (Sophie Tatischeff, sa fille, puis Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff des Deschiens qui veillent sur le rayonnement de l'œuvre de Tati), Sylvain Chomet, fan absolu du créateur de « Mon oncle », a ressuscité le scénario, apporté quelques modifications (l'action ne se déroule plus à Prague, mais en Ecosse) et apporté sa touche à ce film en forme de libre hommage."

(Rue89, 16 juin 2010).

(Montage JEA / DR).

Emmanuel Didier :

- "La symbiose de ces deux êtres abandonnés, lâchés sans amarre, est bouleversante. Tatischeff quitte famille et Paris pour l’Ecosse, la jeune Alice son île pour la capitale scottish. Ils coupent tous deux les cordons qui les relient à leurs attaches, à leur aliénation également. Se reconstituant un petit nid commun dans un hôtel miteux, ils (ré)apprennent à se servir d’eux-mêmes sans se sentir morveux.
De cette reconquête identitaire de deux personnages, Chomet et Tati ont l’habilité de ne pas en rajouter et d’essaimer quelques touches de burlesque visuel – pas de mot, les dialogues se cantonnent comme toujours chez Tati à quelques borborygmes quasi-inaudibles – et de situations absurdes des plus efficaces. Pour tout dire, le dernier Tati se mesure avantageusement aux précédents."
( Critikat.com, sd).

Cécile Mury :

- "C'est bien lui, avec ses cernes mélancoliques, sa longue silhouette distraite. On reconnaît jusqu'aux pantalons, un peu trop courts, comme s'il avait continué de grandir à l'intérieur de son costume... Jacques Tati apparaît devant nous, réinventé en héros de dessin animé. Sacré tour de passe-passe, que Sylvain Chomet a mis sept ans à élaborer.
(…)
Cet Illusionniste est aussi tendre et contemplatif que les Triplettes étaient bouffonnes et inquiétantes. Mais on retrouve le regard oblique, le talent si particulier de Sylvain Chomet. Son tracé ébouriffé croque un personnage pittoresque en quelques mouvements : trognes des piliers de bar, dégaine du manager engoncé dans son costume à la mode, gestes fatigués d'un vieil artiste à bout de souffle. Surtout, le réalisateur a gardé son amour narquois pour tout un bric-à-brac rétro : vieilles guimbardes, devantures patinées et maisons de guingois. Ce monde d'hier flotte entre réalisme et poésie. Une brocante magique, patiemment « restaurée » à la main. Sylvain Chomet croit encore à l'ancienne magie, celle des lapins dans les chapeaux et des pinceaux sur les feuilles.
(Télérama, 19 juin 2010). 



Jean-Luc Douin :

- "Sylvain Chomet truffe avec malice cette histoire sans paroles (où tout est bruitages) de références à l'oeuvre de Tati. Le job d'appoint trouvé en Ecosse par l'illusionniste est celui d'un employé-garagiste déboussolé par la mécanique automobile (voir Trafic), aussi maladroit avec un tuyau que le Hulot des Vacances. Son achat d'un chapelet de saucisses est un rappel de Mon oncle, film projeté dans une salle d'Edimbourg où le héros entre jeter un oeil. Et où la métamorphose de la fille de la concierge en séduisante femme annonçait celle, ici, de la petite campagnarde écossaise en citadine amoureuse.
L'Illusionniste retrace en quelque sorte la vie d'un Tati qui connut le chômage et le ventre creux, fut contraint de décrocher des contrats à l'étranger, entre autres pour Parade (1974), où il rendait hommage au cirque. Un monde se meurt, qui voit le clown tenté par le suicide, le ventriloque vendre sa marionnette et finir comme un clochard, les trapézistes se reconvertir en peintres en bâtiment. Disparition d'un art, récupéré par la publicité, la société de consommation. Constat mélancolique que s'approprie sans doute Sylvain Chomet, adepte d'un style poétique n'ayant nul besoin du recours à la 3D."
(Le Monde, 15 juin 2010).

Arnaud Schwartz : 

- "C’est beau et drôle, doux et tragique, palpitant comme la vie et parfois vrillant de tristesse. Après Les Triplettes de Belleville, Sylvain Chomet déploie à nouveau toute la singularité de son talent. Il rend à Tati un bien bel hommage en donnant vie à ce projet enterré par le cinéaste, sans doute trop proche, trop sensible pour le grand escogriffe qui filma toujours du haut de sa pudeur."
(La Croix, 15 juin 2010).



Bande annonce.
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1 commentaire:

Danièle Duteil a dit…

Encore un petit joyau...