DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

samedi 15 novembre 2008

P. 47. Lendemains de 11 novembre à Vrigne-Meuse

Depuis le 11 novembre,
une rue de Vrigne-Meuse (Ardennes)
porte le nom d'Augustin Trébuchon,
dernier poilu mort au front en 1918...

Augustin Trébuchon, photo : Lozère socialiste. DR.

Medias (Arrêt sur images, France Info, FR3 Lorraine, L'Est Républicain, Le JDD, Libération, L'Union etc) et blogs ont été nombreux à souligner l'incohérence de l'Armée. Elle qui depuis 90 ans, déclare sans sourciller que ce fantassin du 415e RI fut à la fois le dernier mort de 1918 mais en date du 10 novembre à 10h. Soit 25 heures avant la fin de la guerre.
Pages 42 (ICI) et 43 (ICI) de ce blog, il a été tenté de préciser les motivations d'une Armée ayant décidé dès le 11 novembre 1918 de lancer aux oubliettes les dernières pertes humaines en Ardennes. Comme honteuse d'une offensive lancée les 9, 10 et 11 novembre sur la rive droite de la Meuse, à Vrigne. Un "combat de trop" (formule de Libération) dont les "morts pour la France" furent aussitôt antidatés par l'Armée.

Le 11 novembre est dépassé. Une certaine sérénité est revenue sur le cimetière de Vrigne-Meuse. A proximité immédiate, cette commune compte une nouvelle rue. Elle porte le nom d'Augustin Trébuchon.

La rue Augustin Trébuchon à Vrigne-Meuse (Photo : JEA).

Strictement limitée au prénom et au nom de famille, cette plaque ne va certes pas participer au moindre "travail de mémoire".
Il est par contre incontestable qu'elle évite ainsi de mettre en cause la falsification militaire sans pour autant la reproduire. Augustin Trébuchon ... sans plus. Ni mort le 10, ni mort le 11 novembre 1918. Aux passants, aux enfants de demain de deviner...

Les brouillards de novembre paressent en vallée mosane. Comme pour protéger les cicatrices d'un passé malmené. Pour les cérémonies du 11, la stèle de l'Epine, extrémité de l'avancée française, n'a pas été repeinte. Afin qu'elle s'intègre mieux au paysage en demi-teintes ? Là-haut, les arbres sont rares. Les regards suivent les sages méandres de la Meuse entre des collines basses, comme un peu lasses...

L'Epine à Vrigne-Meuse. Photo : JEA.

C'est là que les fantassins du 415e sont tombés par dizaines entre la nuit du 9 au 10 et le 11 novembre, à 11 heures. Le dos au fleuve brouillé par les brouillards, les corps recherchant les rares abris d'une terre grasse mais partiellement gelée, le visage tourné vers le sommet de l'Epine, à atteindre "coûte que coûte".

Puis à 11h, description du commandant Menditte (415e RI) dans ses Carnets :

- "Un de mes clairons sonne "Cessez le feu", "Levez-vous" puis "Au Drapeau". Les autres clairons répètent. La Marseillaise monte dans le lointain. Des cris de joie et les cris plus éloignés des Boches qui sortent de leurs trous et veulent fraterniser. Quelle joie et quelle émotion ! Ici tout est en remue-ménage."


Meuse à Vrigne (Photo JEA).

Aujourd'hui, sur le sommet de l'Epine et dans la vallée engourdie, le silence. Bien plus qu'une minute de silence.
Puisse Augustin Trébuchon reposer vraiment en paix. En attendant que l'Armée lui restitue le jour de sa mort.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Grâce à vous, le soldat Augustin Trebuchon n'est pas mort dans l'anonymat. Quelle tristesse de mourir à quelques minutes de la fin des hostilités....et pour rien. Il y a quelques années, j'avais acheté un livre trés émouvant " Paroles de Poilus " Lettres et carnets du front.

Achille Marius Maillet avait vingt-cinq ans en 1914. Né à Lodève, il était le fils d'ouvriers du textile. Il était cuisinier, comme son frêre tué sur le front au début de la guerre, et ne cessait d'écrire à sa femme Maria. Bien aprés la guerre, Achille devint restaurateur à Montpellier.

1914-1918.
Le 11 novembre 1918
11 heures du matin
11e compagnie

Ma chère bien-aimée pour la vie,
Tout est fini; la paix est signée- on ne tue plus- le clairon sonne le cessez-le-feu. Je suis à Omont dans les Ardennes.
Je pars à l'instant pour la frontière. Tant fais plus.Je suis maintenant hors de danger. Ne peux écrire plus longuement aujourdd'hui.
Meilleure douce caresse à vous tous. A toi bon baiser et à bientôt.
Marius.

Augustin Trebuchon n'a pas eu cette chance. Que ceux qui passeront dans la rue qui porte désormais son nom aient une pensée pour lui.