DANS LA MARGE

et pas seulement par les (dis) grâces de la géographie et de l'histoire...

samedi 9 août 2008

P. 18. "Un balcon en forêt", le film

Itinéraire en Ardennes pour retrouver le site du "balcon" filmé par Michel Mitrani après lecture du roman de Julien Gracq.

Julien Gracq lui ouvrait la porte de sa demeure de la Rue du Grenier à Sel, à Saint-Florent-le-Vieil. Fidèle à cette rare confiance, Pierre Assouline vient d'enclencher les sirènes d'alarme sur le sort plus qu'incertain de cette maison historique. Sa destinée était toute tracée sous forme de musée mais ce projet semble aujourd'hui malmené si pas à l'abandon, moins d'un an après le décès de l'écrivain.

Ce fut le sujet de l'une des brèves de la page 17. Cette page 17 évoquait brièvement "Un balcon en forêt", le dernier roman de Gracq (1958) qui se situe dans les fûtaies ardennaises. En pleine "drôle de guerre". Dans un blockhaus camouflé en maison forestière. Là où quatre soldats attendent pendant des mois un envahisseur qui soudain, va tout broyer sur son passage en quelques jours de mai 1940.

De ce roman, Pierre Assouline écrivit :

- "Un balcon en forêt" : son plus beau texte à mon goût, celui qui les contient tous car celui qui mêle le mieux la littérature et l’histoire à la géographie."

En 1979, Michel Mitrani osa le transposer en cinéma. De ce film, restent peu de traces, du moins aisément décelables. En voici l'affiche :

Sur le site de José Corti (cliquer : ici) unique éditeur de Julien Gracq, sont conservées deux critiques de ce film. Il est permis de supposer que si un professionnel aussi sourcilleux et attentif à "ses" écrivains que Corti a souhaité garder des échos du film de Mitrani, c'est plutôt bon signe...

Le Parisien Libéré :

- "L’action se déroule en octobre 1939. Un jeune aspirant et trois soldats sont affectés à la défense d’une maison forte, en pleine forêt des Ardennes. C’est l’attente de ces quatre hommes en armes que l’on suit avec intérêt. Mais le 10 mai 1940, les envahisseurs déferlent. Film de réflexion, "Un Balcon en forêt" est une admirable reconstitution". (mars 1979)

Le Figaro :

- "Michel Mitrani avait une chance sur mille de réussir : il ne l’a pas laissé échapper. Son "Balcon en forêt" est un chef d’œuvre. Il n’y a pas dans ce film d’anecdote inutile et la mise en scène incarne avec une précision rigoureuse, respectueuse, attentive et toujours réfléchie, la très humble et souvent très naïve vérité humaine de cette expérience où la mort est la rançon de la liberté." (février 1979)

Dans les archives de l'Humanité et sous la plume de Jean Roy, figure cette phrase très brève :

- "La distinction, la musique intime de Mitrani se retrouveront encore dans « Un balcon en forêt », en 1979, film tiré cette fois de Julien Gracq." (12 novembre 1996)


Photo du film. Un sergent, un caporal et deux soldats devant le blockhaus de Pouru-aux-Bois.

Fiche technique :

Réalisation : Michel Mitrani.
Script : Roger Boussinot, Michel Mitrani d'après l'oeuvre de Jjulien Gracq.

Photo : Charlie Gaëta. Montage : Claude Frechède. Décors : Claude Lenoir. Costumes : Huguette Chasseloup. Son : Paul Granger, Daniel Léonard.

Acteurs : Humbert Balsan (Lt. Grange), Aïna Walle (Mona), Yves Afonso (Capor. Olivon), Serge Martina (Sold. Hervouet), Jacques Villeret (Sold. Gourcuff), Jacques Charby (Capt. Varin), Bernard Crombey (Lt. Lavaud), Laurent Vercelletto (Lt. de chars), Paulette Frantz (Madame Tranet), Isabelle Duby (Julia), Laurence Lignères (Mariette), Michel Delahaye (Le Colonel).

Durée : 162 min.

Présentation par les Archives de l'INA :

- "Adapté du roman de Julien Gracq, ce film raconte la vie quotidienne, au rythme des saisons, de quatre soldats français dans la forêt des Ardennes près de la frontière belge, durant la drôle de guerre de septembre 1939 à mai 1940. Il montre l'attente de ces hommes qui sont peut-être promis à la mort, la routine de la vie militaire, les relations entre eux et avec les villageois. Le lieutenant Grange est affecté au commandement d'une maison forte dans la forêt, près d'un hameau à la frontière belge. Il a pour mission d'observer les Allemands afin de renseigner ses supérieurs sur les mouvements de leurs troupes. Trois hommes partagent son sort : le caporal Olivon et les soldats Hervouët et Gourcuff. En attendant la guerre qui ne vient pas, ils passent le temps à quelques travaux, jouent aux cartes et se rendent parfois au village voisin. Un jour, Grange rencontre Mona, une jeune veuve, qui vit dans une ferme des environs et avec laquelle il vivra un temps l'illusion du bonheur."

Photo JEA: l'état du blockhaus en cet été 2008.

De telles "maisons fortes" furent construites en 1938 le long de la frontière belge. Elles étaient destinées à tromper les envahisseurs. Ces derniers, présupposés un peu aveugles et beaucoup stupides, devaient forcément les confondre avec de pacifiques habitations forestières. Se jeter dans la gueule du loup. Pour se faire hacher menu par ces avant-postes de l'armée française.

Dès lors, l'étage présentait un aspect presque innocent et certes utilitaire. De fait, un maximum de six soldats y dormaient les jours calmes. Outre la chambrée, cet étage comprenait une cuisine et un réfectoire. Le tout se complétait par des toilettes. Les volets étaient métalliques et les portes blindées.

Au rez-de-chaussée, des murs construits en béton armé protégeaient un véritable blockhaus doté d'ouvertures de tirs meutriers et donc censés interdire toute approche pour rendre ainsi la frontière imperméable. En cas de pépin majeur, un tunnel avait été prévu pour permettre une évacuation salvatrice dans la forêt.

Photo JEA : embrasure de tir en direction de la Belgique toute proche.

Comment vous rendre sur le site de Pouru-aux-Bois ?

La ville la plus proche n'est autre que celle de la trouée allemande de 1940 : Sedan, à 16 km de Pouru-au-Bois.

Prendre la D 8043 jusqu'à Douzy. Et là, soit :

- la D4 vers Francheval puis Pouru-aux-Bois,

- ou la D 117 jusqu'à Pouru-St-Remy avant Pouru-aux-Bois. Une esquisse de carte vous est ensuite proposée ci-dessus.

Juste deux remarques encore. Franchement, Francheval représente un exemple remarquable de village ardennais massacré par les promoteurs. Si en manque de vacances, vous souhaitiez voir près de la Meuse un authentique chalet suisse ou une villa typiquement espagnole, n'hésitez pas.

Ensuite le Vieux chemin de Grand Hez qui passe le long du "Balcon". Michelin déclare ce chemin entièrement carrossable. L'IGN se limite maximum aux deux premiers kilomètres. En réalité, ce chemin est utilisable en voiture jusqu'à la dernière maison avant la forêt (attention au berger allemand en liberté). Ensuite, il vaut mieux continuer à pied ou se munir d'un vtt. A moins que votre attachement à l'écologie ne vous interdise pas pour autant le recours exceptionnel à une 4x4 conduite avec modération.

Outre la "maison forte" sur votre gauche et que vous découvrirez en assez piteux état, n'hésitez pas à remercier quelques girolles d'avoir eu la gentillesse de pousser aux environs...

"Carte" : JEA.

1 commentaire:

Dominique Hasselmann a dit…

Belle incursion de votre part, découverte seulement aujourd'hui...